L’idée de Bazin est venue à Tidiani en 2013, lorsqu’il se rend compte de la fascination produite par ce tissu sur ces camarades, et même sur de simples inconnus dans la rue. Le bazin est un tissu blanc damassé teinté et amidonné grâce à un trempage dans un bain de gomme. Chaque bazin comporte un motif inscrit dans la trame. Initialement blanc, le tissu est teint en une ou plusieurs couleurs avec différents motifs, le plus souvent à la demande, avant d’être parfois orné de broderies. C’est au Mali et au Sénégal que ce tissu reconnaissable à sa raideur, son aspect brillant et son bruissement, est le plus couramment porté.
Bazin c’est avant tout l’histoire d’une rencontre entre deux corps et une chimère de tissu. L’objectif est de produire un rapport d’interpénétrabilité intime entre les corps et le tissu afin que, se mettant à tour de rôle au service de l’un et de l’autre, il devienne impossible de les distinguer. Est-ce le corps qui fait l’habit ou l’inverse ? Passant en un clin d’œil du grotesque au sublime, se forme et se déforme tantôt un monstre, tantôt un nuage qui capture. La pièce personnifie le Bazin comme une allégorie de l’esprit malien, à la frontière du visible et de l’invisible entre l’art et l’artisanat.
L’esprit malien c’est pour Tidiani cette capacité d’appropriation de l’objet afin de lui donner une nouvelle identité. Au Mali tout se récupère, tout se transforme, tout se détourne de son usage premier. L’esprit malien c’est aussi l’apparat, l’importance de montrer et de montrer que l’on possède. Le Bazin est avant tout un tissu venu d’Europe et vendu quasi exclusivement en Afrique de l’Ouest. Ce grand marché pose nécessairement la question des dépendances et des traces de la colonisation. Pour autant, c’est au Mali que le Bazin acquiert toute sa valeur, il y est transformé par des mains expertes pour être relevé dans toute sa splendeur. Quelles transformations possibles pour ces vestiges coloniaux ?
Pour autant la question n’est pas identitaire, celle qui crée une dichotomie entre Afrique et Europe, entre Noir et Blanc. Ce n’est pas de cette identité comme clivage dont il est propos, mais plutôt la question des identités multiples qui façonnent un être humain, qui se jouent dans les corps.
Par la danse le tissu subit sa troisième transformation dans un jeu subtil de métamorphose : il est tantôt lange, tantôt linceul, matière dansante. Il est aussi le lien entre les danseurs, cordon ombilical, camisole de force pour deux personnes. En se mêlant, en s’emmêlant, corps et tissu ne font qu’un jusqu’à ce que seule subsiste sur scène une créature onirique.
Les deux corps liés par le Bazin dans un jeu de balancier entament une danse de lutte contre la pesanteur. C’est la métaphore de l’altérité comme seul remède possible à la solitude des corps et êtres.
Tout public
Durée : 50 minutes
Distribution :
Chorégraphie : Tidiani N’Diaye
Interprétation : Tidiani N’Diaye & Arthur Eskenazi
Dramaturgie : Arthur Eskenazi
Lumière, technique : Hugo Cahn
Production : Copier Coller, Shap Shap, Bora Bora Productionsroduction
Avec le soutien de : DRAC pays de la Loire, les Ateliers Médicis
Coproductions : BLONBA, Théâtre de l’Arlequin, Théâtre de l’Abri, Théâtre de l’usine
Aide à l’écriture : DICREAM, DICAM
Accueils Studios : Collectif Danse Rennes Métropole, Sept Cent Quatre Vingt Trois, Centre National de la Danse, Théâtre de l’Abri, Cie Gilles Jobin